LA PÉRIODE PRÉROMAINE
Vers l’an 400 av. J.-C., les Celtes ou Gaulois font leur apparition dans l’ouest de l'Europe. Les Helvètes s’arrêtent entre les Alpes et le Jura tandis que les Rauraques s’établissent dans le Jura actuel. A l’ouest, ils avaient pour voisins les Séquanes qui débordaient dans la vallée du Doubs et peuplaient l’Ajoie. Les Helvètes, les Séquanes et les Rauraques, comme les autres Gaulois, étaient braves, hardis et entreprenants. Il nous reste de cette époque de curieuses coutumes ainsi que des légendes et, avec elles, un subconscient collectif porté vers le rêve.
LE TEMPS DES ROMAINS
En 58 av. J.-C., 23.000 Rauraques se joignent à la migration des Helvètes vers le sud-ouest de la Gaule. Arrêtés à Bibracte par les Romains, ils rentrent au pays. Six ans plus tard, ils prennent part à l’insurrection des Gaulois et volent au secours de Vercingétorix à Alésia. Repoussés par Jules César, ils regagnent leurs foyers. César les traita sans dureté et leur laissa une large autonomie. Intégrés au monde romain et défenseurs de l’empire vers le nord, les Rauraques forment une communauté, la Civitas Raurica. La province se couvre de routes, de camps, de villas et de bains. Les Rauraques assimilent les moeurs et la culture des Latins pendant les cinq siècles de leur existence gallo-romaine.
LES GRANDES INVASIONS
Au 5ème siècle, les peuples germains massés derrière le Rhin envahissent l’empire romain. Les Alamans remontent inexorablement le cours des rivières helvétiques et occupent en deçà du Rhin l’extrême nord de la Rauracie. A l’ouest, les Burgondes s’emparent en 478 de la province Maxima Sequanorum et constituent le premier royaume de Burgondie qui s’étendait jusqu’à I’Aar, des Alpes à Soleure. Au nord de cette ville, la frontière entre les deux ennemis héréditaires que sont les Burgondes et les Alamans se confondait avec la limite actuelle des langues française et allemande. A l’ouest de cette limite, du mélange des Gallo-Romains et des Burgondes sortirent ceux que l’on désigne aujourd’hui du nom de Jurassiens.
Les Alamans, contrairement aux Burgondes et aux autres barbares, se montrèrent hostiles à la culture latine. Ces Germains irréductibles pillèrent et incendièrent toutes les villes qu’ils rencontrèrent. Ils en massacrèrent la population et refoulèrent les Helvètes qui fuyaient devant le danger. L’arrivée de ces envahisseurs explique pourquoi on parle aujourd’hui des dialectes allemands dans les deux tiers de l’ancienne Helvétie.
LA LIMITE DES LANGUES
La poussée alémanique du 5ème au 9ème siècle fixa la limite linguistique dans le Jura. La deuxième poussée alémanique du 11ème au 13ème siècle ne gagna que la contrée de Bienne à Douanne. Le mouvement des langues présente une grande différence dans le Jura par rapport à la Romandie. Alors que, du lie au 13ème et du 15ème au 18ème siècle, l’idiome latin perdait beaucoup de terrain dans le Valais et en Nuithonie (Fribourg), les positions linguistiques ne variaient pas en Rauracie. Cette stabilité millénaire montre combien le Jurassien français est attaché à sa langue.
LA CHRISTIANISATION DU JURA
Les propagateurs de la foi chrétienne dans les vallées jurassiennes furent, au début du 7ème siècle, d’humbles moines: Saint Imier, natif d’Ajoie, Saint Ursanne et Saint Germain, moines de Luxeuil et disciples de Saint Colomban. Les monastères qu’ils fondèrent à Saint-Imier, à Saint-Ursanne et à Moutier-Grandval furent, comme plus tard Lucelle et BeIlelay, des centres renommés de vie intellectuelle, de même que des modèles d’exploitation agricole.
LE ROYAUME DE BOURGOGNE
Le premier royaume de Burgondie fut rattaché en 534 au royaume des Francs. Après la dislocation du vaste empire franc assemblé par Charlemagne, un comte riche et puissant, Rodolphe 1er se fit élire roi de la Bourgogne jurane, en l’an 888, dans la basilique de Saint-Maurice en Valais. Ce royaume, qui comprenait des peuples de mêmes moeurs et de même culture, s’étendait de Bâle à Genève et Annecy, de Luxeuil à Sion et Aoste, et de Dole à Payerne et à I’Aar. Rodolphe Il régna de 914 à 937 et agrandit encore son royaume. Sa femme, la célèbre Reine Berthe, gagna le coeur du peuple par sa bonté et son inépuisable charité. Son fils Conrad régna de 937 à 993 sur un vaste et riche domaine qui s’étendait jusqu’à la Méditerranée.
Rodolphe III (993-1032), timide, efféminé et sans descendants, reconnut l’empereur du Saint-Empire romain germanique comme son successeur. Conrad Il recueillit l’héritage en 1032 et se fit couronner roi à Payerne, puis une seconde fois dans la cathédrale de Genève.
Dès cette époque, soit près de 300 ans avant la naissance de la Ligue suisse de Haute-Allemagne, et près de 200 ans avant la fondation de la ville de Berne, l’ancienne Rauracie constitue, sous forme de principauté ecclésiastique, un Etat souverain du Saint-Empire. Elle le restera jusqu’en 1793, soit pendant près de 800 ans.